Décembre 1961
Documentations françaises
Les difficultés intérieures de M. Bourguiba peuvent le conduire
à durcir sa position au sujet de Bizerte
…A tout cela s’ajoute que M. Bourguiba ne dispose plus, sur le plan intérieur, d’une grande marge de manœuvre. Son retournement personnel », la décision de M. Habib Bourguiba de reprendre les conversations avec la France a été, à ce tire (et d’autant plus qu’elle n’a pas procuré un succès immédiat), critique par ce que l’on pourrait appeler « la gauche libérale et idéaliste » du Néo-Destour. L’équipe l’Afrique-Action, dirigée par M. Béchir ben Yamed et Mohamed Ben Smaïl et inspirée par M. Mohamed Masmoudi, naguère encore secrétaire d’Etat à l’Information, a blâmé sans ménagement le « pouvoir personnel ». Elle avait, au nom de l’union nationale, soutenu sans restriction la « bataille de Bizerte », bien qu’elle n’ait sans doute pas complètement apprécié les conditions dans lesquelles cette bataille avait été engagée. Elle s’était vainement efforcée, à cette occasion, de mobiliser au profit des thèses tunisiennes l’appui de la gauche française, avec laquelle elle était sympathiquement liée. S’étant ainsi compromise sans hésitation, elle eût souhaité, si la continuation de la lutte directe se révélait impossible ou inopportune, être du moins consultée sur les modalités et le rythme de ce revirement, afin de pouvoir s’y adapter, et de continuer à apparaître comme la lucide avant-garde du régime.
Mise devant le fait accompli, la « gauche libérale » s’est rebiffée : du nom des principes, elle a attaqué le « pouvoir personnel ». Après une vive polémique avec le quotidien gouvernemental Al Amal, la « gauche libérale » était écartée du pouvoir, M. Mohamed Masmoudi cédant son portefeuille à M. Chedli Klibi. Au cours d’une réunion plénière des cadres de l’activité du Parti, et elle choisissait le second terme de cette alternative. En conséquence, M. Mohamed Masmoudi se voyait, le 17 novembre, exclure du Néo-Destour, au bureau politique duquel il figurait.
…Mais demain, ou bien M. Bourguiba raidira de nouveau sa position, et une réconciliation ira de soi ; ou bien il échouera, et dans la crise ouverte M. Masmoudi bénéficiera de l’avantage d’avoir eu raison ; une seule hypothèse serait fâcheuse l’avantage d’avoir eu raison ; une seule hypothèse serait fâcheuse pou lui, ce serait que M. Bourguiba parvînt à un accord amiable avec la France, et il est probable qu’il n’y croit absolument pas.
…Plus encore que le départ de M. Mohamed Masmoudi, c’est son remplacement qui est important. M. Ahmed Ben Salah a été élu, à sa place, membre du bureau politique. La « gauche libérale et idéale » est relevée par la « gauche syndicale », si longtemps reléguée au second plan.